Concevoir une « concertation désirable »

Le matin de la conférence sur le management de l’innovation dont j’ai parlé ici, j’avais animé un atelier sur la concertation désirable.

Au départ, ce n’est pas un atelier d’acculturation, mais une méthode que j’ai imaginé pour concevoir un dispositif de concertation pour une collectivité. Normalement, je rencontre l’équipe du dialogue citoyen, je leur pose des questions et je prépare un atelier sur mesure pour les aider à prendre des décisions.


Là, j’ai imaginé une ville fictive, des projets de dialogue citoyen fictifs et des scénarios contextuels fictifs de façon à le transformer en un exercice pour se tester « dans l’absolu » sur l’enjeu de rendre désirable la concertation.
La concertation désirable, c’est la suite logique de la promotion du concept de R.O.I. citoyen que je mène depuis 2018 : la meilleure façon de voir venir dans les espaces de dialogue des personnes qui n’y viennent pas d’habitude, c’est de le rendre attractif et qu’ils » s’y retrouvent » d’une façon ou d’une autre.

Le principe de l’atelier est simple : on définit ses cibles, on essaye même de les incarner (en faisant quasi des personas) puis on joue sur les différents paramètres de la concertation pour en faire quelque chose d’attractif.

De la salle vide qui attend son public à « tout le monde debout pour travailler », la vie d’un atelier

Je propose aux participants de commencer par construire le scénario idéal, celui du monde merveilleux du dialogue citoyen où tout serait possible, puis de le dégrader en fonction des réalités qui s’imposent à tous : les budgets, les moyens, les attendus des élus, de la com, du cabinet, des collègues des autres directions, etc.
Puis, une fois qu’ils ont bien dégradé le projet, mesurer si c’est « tenable », et le cas échéant essayer de voir dans les options mises de côté si on ne peut pas imaginer en proposer quand même dont l’effet se ressentirait a priori de façon décisive sur la participation des publics ciblés (définis au début de l’exercice, donc).

Pour rendre le dispositif jouable, les participants disposent d’un jeu des 7 familles de la participation qui permet d’imaginer d’autres formats que la réunion publique avec :

  • 1 prise de parole de l’élu,
  • 2 Powerpoint de l’A.M.O.
  • puis 3 passage du micro dans la salle.

Par exemple il parle d’aller au devant des gens, de rendre la soirée sympa, de soulager les participants de contingences matérielles comme la garde des enfants, de passer un contrat avec eux, bref, de leur porter de la considération.

Enfin, si les participants sont tous debout sur la dernière photo du montage ci-dessus, c’est parce qu’un poster les aide à visualiser l’expérience utilisateur des participants-cibles de leur dispositif de dialogue citoyen. Et de la redresser le cas échéant. Et c’est justement c e qu’ils faisaient quand j’ai pris la 4° photo.

Ça marche

Les 4 groupes avaient choisi chacun un sujet différent (j’en proposais 5) et ont réussi en 2 heures à construire chacun un projet qui tenait debout. Je les ai trouvé en général assez raisonnables mais imaginatifs et pertinents. Ils ont tous trouvé des publics cibles intéressants (et parfois pas évidents au premier abord), et tous imaginé un dispositif en plusieurs étapes, ce qui semble raisonnable quand on y réfléchit : si l’objectif c’est d’avoir des avis, il est évident qu’il faut multiplier les occurrences de les recueillir.

Ce que je retiens surtout, c’est que cet atelier, au delà de permettre d’envisager des formes nouvelles de participation, pousse à se greffer sur l’agenda des gens et pas seulement de leur imposer celui de la collectivité. C’est une des clés de la diffusion de la participation : repartir des gens (ce qui légitime la rencontre avec l’innovation publique, dont c’est un des piliers).

Dans le cas où ce travail est opéré pour de vrai, on dispose à l’issue de l’atelier d’une trame pour une note d’intention à destination de son donneur d’ordre, plus des éléments précis de cahier des charges (comme c’est expliqué ici).
Dans le cas de cet atelier, c’était globalement un peu moins précis, mais on avait déjà une bonne idée de ce que ça pourrait donner. Bref, ça marche.

Un mode opératoire efficient

L’ironie, c’est que, à l’insu de mon plein gré, et alors que je ne cesse de proclamer qu’il n’y a pas de méthode d’innovation, j’ai développé de fait une méthode…
Enfin pas tout à fait (on se rassure comme on peut).
On est plus proche du mode opératoire, soit un enchaînement d’étapes qui doivent permettre d’arriver à un résultat, alors que la méthode inclue une dimension de conformité, de principes intangibles en plus de l’idée d’ordre dans lequel on le fait.
Là il n’est pas question de conformité. Il n’y a pas de bons résultat de cet atelier, il y a un résultat jouable (ou pas). Il constitue une étape de préparation d’un travail postérieur, et pas une fin en soi, en même temps qu’un outil de représentation pour embrasser la complexité et permettre d’opérer des choix.

Mais c’est vrai que de le voir fonctionner ainsi, indépendamment d’une situation précise, constitue une satisfaction 🙂

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