Les fablabs seront soutenus par les acteurs publics, ou ne seront pas

Techshop, la chaine de laboratoire de fabrication numérique,  vient d’annoncer sa banqueroute.

En 2013, j’avais réalisé une « learning expedition » en Californie avec Real Change et le Conseil régional des Pays de la Loire. A la descente d’avion, nous nous étions rendus dans le Techshop de San Francisco pour une longue visite. Juste après, Dan Woods, le patron du groupe, nous avait décrit son modèle économique.
Moi qui avait participé au lancement de Plateforme C, le fablab de Ping, j’étais dubitatif.  J’avais manifestement quelques raisons .

Et si eux n’y arrivent pas, malgré l’optimisation de leur modèle et les grandes réussites économiques ou sociétales qui sont nées chez eux, inutile d’espérer le faire en l’état.
Heureusement, le modèle associatif a, lui, tout son sens. Parce qu’il n’est pas question d’abandonner la fabrication numérique qui a beaucoup de choses à apporter à l’innovation publique comme privée.

un modèle a vocation économique

Le lieu est impressionnant. Sur plusieurs niveaux, des ateliers découpe, peinture, impression 3D, bois, fer, fraisage, tous accessibles aux adhérents (après un peu de formation pour utiliser des outils dangereux…).

Et des gens, nombreux, de tous âges et conditions, qui se parlent, s’entraident, partagent. Une vision idyllique.

Très vite, on vous parle des projets partis d’ici, dont le lecteur de carte bleue pour IPhone qui s’appelle Square, ou Dodocase, l’étui à Ipad que le président Obama lui-même a acheté. Vous découvrez ensuite le « Hall of Fame » du Techshop, avec la photo des adhérents qui ont payé l’adhésion à vie (de mémoire vers 6500$). Et puis, à l’entrée, le stand pour acheter son bois, ses clous, ses vis, ses outils. Strabic.fr avait fait un peu à la même époque une interview du responsable du site où il explique longuement comment le Techshop fonctionne.

Bref, on voit que tout est fait pour dégager de l’argent. On est à San Francisco, faire fortune est un but en soi pour un grand nombre de ses habitants. Ce qui n’empêche pas le partage et la bonne humeur que je décrivais ci-dessus !

Une autre vision des choses existe

A Nantes, nous avions fait collectivement un choix très différent :  Plateforme C est un projet de PING, l’association nantaise de promotion de la culture numérique, auquel nous nous étions associés, Région Pays de la Loire et établissements d’enseignement supérieur et pour qui la SAMOA avait trouvé des locaux. On y avait installé imprimantes 3D, découpes laser, routeurs, matériel électronique, … Bref, ce qu’il faut pour s’initier à la fabrication numérique.

On est pas beau là ? C’était juste avant l’ouverture au public, avec les représentants de l’Université de Nantes, de l’école d’architecture, de l’école de design et de LISAA, école d’art.

Plateforme C est, 4 ans après son ouverture, en proie aux difficultés de tout projet financé par les acteurs publics. C’est de plus en plus difficile de trouver des budgets pour financer des dispositifs qui produisent des effets positifs à long terme, et elle en pâtit. Mais elle est encore là. Elle irrigue une population large (quasi équivalente à celle du Techshop de San Francisco quand j’y étais) , et ceci à Nantes, mais également dans toute la région, avec sa fonction de coordination des lieux de fabrication numérique du territoire.

La fin de Techshop donne raison à ces tiers-lieux publics ou associatifs. Il n’y a pas en l’état de modèle économique pour un atelier de fabrication numérique hors mécénat ou subventions.  Si Techshop n’a pas réussi, en plein coeur de San Francisco, pas la peine d’espérer quoi que ce soit.

Continuer les fablabs en connaissance de cause

Les fablabs restent pour autant des outils de développement économique et social, et des accélérateurs de projets incroyables. Bref, si vous êtes élu local et que vous avez sous la main une bande de furieux makers et qu’ils ont besoin d’aide, sachez-le : ils ne seront jamais autonomes financièrement. Mais ils rendront des services formidables à votre territoire (qu’il soit urbain ou rural, je pense par exemple au Boc@l, le fablab du centre social de Chemillé (7000 habitants).

Merci à Cédric Doutriaux, qui était fablab manager de Plateforme C et qui a signalé cet article de makezine.com.