Retour sur l’université d’été de l’innovation publique du Cnfpt

J’ai abandonné mon blog ces derniers temps. D’abord à cause d’un article sur la biennale de Venise que je n’arrive pas à finaliser (ça parlera d’anthropologie, de participation citoyenne, du monde qui vient, bref c’est compliqué) mais aussi à cause de l’université d’été de l’innovation publique du Cnfpt.

Cet été, elle s’est démultipliée dans 6 campus, et elle a presque multiplié ses effectifs par 6. En conséquence, d’une quinzaine de défis territoriaux, nous sommes passés à 70. Et le changement d’échelle change aussi le sens de ce rendez-vous.

Une pédagogie autour des défis territoriaux

Un défi territorial, c’est une question apportée par une collectivité – de toute taille – que des fonctionnaires territoriaux investiguent sur une durée de 3 jours en mode intelligence collective et avec l’appui des outils du design de l’action publique (observation, créativité, prototypage, etc.). On est dans le gagnant-gagnant : la collectivité bénéficie du regard d’un public extérieur et les participants s’essayent à des nouvelles pratiques.
On est même dans le gagnant-gagnant-gagnant si on considère le cas des facilitateurs de ces défis territoriaux qui bénéficient d’une formation et d’un coaching avant de passer à l’action en animant leur atelier.

Tout cela demeure au niveau débutant – quoique des solutions imaginées sont particulièrement pertinentes – mais M. de la Palice serait d’accord avec moi : pour initier un mouvement général, il faut bien commencer par quelque chose…

capitaliser l’énergie et la créativité de l’université

Les responsables de la mission Innovation du Cnfpt m’avaient demandé d’utiliser la matière fournie par les participants : compte-rendus, vidéos, prototypes, présentations, photos, etc. pour réaliser un « dispositif » (on avait pas trop d’idée du format) de capitalisation. J’ai donc revisité le site où tout le monde déposait de la matière un peu bourre et balle et ça donne ça :

https://universiteinnovationpublique.wordpress.com/

Unifier les pages consacrées aux défis, mettre en valeur les 75 conférenciers (75 !), archiver les données inutiles, repenser la navigation, bref, il y avait un peu de travail. Il en reste d’ailleurs, tout n’est pas finalisé, il y a toujours des améliorations et des compléments à apporter.

En outre, j’ai également réalisé une présentation (le gif animé qui tourne un peu au dessus dans cet article, d’ailleurs si vous cliquez dessus vous obtiendrez la version pdf) qui permet de naviguer dans ce site dans un parcours de découverte un peu plus construit qu’une navigation libre.

Mais à travers ce remodelage de la matière brute, quelques évidences me sont apparues sur la forme comme sur le fond.

Quand le Cnfpt fait du lean startup sans le savoir

D’abord, je lis beaucoup de choses sur les startup d’Etat et l’agilité. Ici, nous ne sommes pas dans le discours, mais bien dans la méthode utilisée, qui rappelle étrangement celle du minimum viable product.

Nous en sommes à la 3° édition de cette université d’été.  La première fois, en 2016, ce sont une centaine de personnes qui ont compris ensemble  qu’ils avaient un objectif commun : insuffler de l’innovation dans l’action publique. Ils ont mêlé des séances de formation théoriques, des visites apprenantes, et des ateliers sur des sujets fictifs. Au sortir de cette édition, un travail de capitalisation réalisé avec les participants a montré le besoin d’appuyer la partie ateliers sur des vrais sujets, et c’est ainsi qu’est née en 2017 la pédagogie des défis territoriaux, qui a mobilisé un peu plus de 200 personnes.

L’enjeu de 2018 était donc la scalabilité, comme on dit (une nouvelle fois) dans le monde des startup. Pouvait-on démultiplier l’évènement pour le rapprocher des publics et rencontrer un nouveau succès ? Un nouveau travail d’analyse avec les utilisateurs et de production d’un évènement décentralisé, avec une ouverture commune par une conférence de Cynthia Fleury a permis de le savoir. La réponse est oui.

En deux itérations, nous sommes donc passés d’un évènement pour un petit nombre à un dispositif de formation/sensibilisation tout public qui s’inscrit dans son territoire. Après M. de la Palice, j’en appelle à M. Jourdain : on fait ici du Lean Startup sans le savoir !

L’inscription dans un écosystème

Ensuite, cette université s’inscrit et a toute sa place dans un double écosystème.

Interne, tout d’abord. Avec sa communauté numérique qui compte 2800 membres, son (exxxxcellent) Mooc qui a également trouvé son public, et maintenant un dispositif de formation/action en direction des collectivités, l’offre est de plus en plus complète, si ce n’est globale, avec cette caractéristique particulière du Cnfpt, qui est de toucher des collectivités de taille moyenne et même petite, grâce à son réseau et sa capacité historique de partenariat.

Externe, ensuite. De nombreux représentants de l’Etat étaient disséminés dans les 6 campus de l’université, plus l’OCDE, plus des acteurs étrangers de l’innovation publique, sans oublier des praticiens de l’innovation publique issus de nombreux réseaux nationaux. Les relations se tissent, les complémentarités s’expriment, les partenariats naissent.

la finalité ? inscrire nos pratiques dans la durée

En 2013, alors que je travaillais avec la 27° Région à monter une fonction innovation au Conseil régional des Pays de la Loire, nous avions consacré une semaine à une immersion dans un quartier populaire de Nantes pour travailler sur la question de l’orientation des jeunes. On avait eu du mal à obtenir l’autorisation, parce qu’un grand cabinet conseil devait faire le même travail quelques semaines après nous. Mais on l’avait fait. Et la qualité de nos propositions n’avaient pas à rougir, loin s’en faut, au regard des préconisations de ce même cabinet (pour un coût sans aucune commune mesure, inutile de le préciser).
Pourquoi cette anecdote ici ? A cause de Dominique Sciamma, le patron de Strate, école de design parisienne de grande qualité. Il a partagé en cette fin octobre un article de MacKinsey, avec un commentaire dont il a le secret.

Aujourd’hui nous sommes en train de démontrer collectivement la puissance de l’innovation centrée sur les utilisateurs. A tel point qu’elle devient un enjeu pour ceux-là même qui ont imposé le New Public Management qui va à l’encontre de tout ce que nous proposons.
C’est une bonne nouvelle, cela veut dire qu’on est certainement dans le vrai. Mais il faut prendre garde à ne pas se faire déborder par des acteurs qui utilisent les méthodes sans adhérer à leurs valeurs. La coopération nous est donc indispensable pour offrir une solution globale entre tous les acteurs qui défendent l’esprit et les valeurs d’un service public renouvelé et attentif à ses usagers.

La réussite de cette université est à ce titre une bonne nouvelle : elle complète la proposition globale  par son ampleur, et par sa capacité à s’ouvrir aux petites collectivités, et nous permet d’entrevoir un véritable passage à l’échelle. Celui qui fera du prototypage ou de l’observation des usagers des pratiques de travail normales chez les acteurs publics.

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