Parler d’innovation publique à son boss

…quand il n’a rien demandé

A la fin du Mooc innovation publique, les participants nous ont demandé comment parler de tout ça à leur chef. Alors on y a consacré une séance en ligne. Ce papier va revenir sur ce qui y a été raconté.

Bon d’abord, il faut bien comprendre un élément de départ : le Mooc Innovation Publique du CNFPT ratisse large. Cette fois-ci, 3800 participants.

Au clap de fin du Mooc, 3830 inscrits. C’est notre meilleur score , puisqu’on dépasse de peu la première édition.

La conséquence, c’est qu’on descend un cran en dessous de d’habitude : là où les réseaux d’innovation s’adressent aux staffs des collectivités ou des acteurs publics, nous nous adressons à leurs agents, y compris complètement isolés dans les collectivités ou des services qui y sont hostiles ou pire, indifférents.

Une demande des participants

Le 18 juin, notre avant-dernier webinaire de la saison était une séance de bilan pédagogique. Cela nous permet (les animateurs) d’avoir des feedbacks et de s’améliorer, et en même temps ça oblige les participants à un retour sur ce qu’ils ont pu apprendre et comment ils vont s’en servir (on parle alors de réflexivité, ma fréquentation assidue des pédagogues m’a appris ça). Et ce besoin de « raconter » l’innovation publique nous est remonté comme jamais. Notamment, on l’a compris vite, de la part d’agents publics qui ne bénéficient d’aucune écoute en interne sur le sujet.
Nous avons donc décidé de consacrer notre dernier webinaire de début juillet à la question, et cherché à co-construire un outil d’aide à la prise de parole sur la question. Le scénario est rodé : nous envoyons quelques questions, les participants (en l’espèce une cinquantaine cette fois-ci) donnent leur point de vue et on met en commun en ligne.

Voici donc un retour sur cette séance.

Tout d’abord : faut-il vraiment en parler ?

Y a ceux qu’en parlent, y a ceux qu’en font (*) ! La premier débat portait donc sur les moyens de faire les M. Jourdain de l’innovation publique en instillant des pratiques nouvelles dans le quotidien du travail, sans en faire tout un plat. Je proposais donc des premières pistes au suffrage des participants (faire un schéma au tableau pour créer une vision partagée en réunion, inventer un persona ou deux pour éclairer une présentation, trouver un prétexte pour aller sur les terrain…), histoire d’amorcer la pompe des idées, puis donner la parole sur les bonnes (et les mauvaises) idées. Le résultat est là :

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Dans les propositions, revient la facilitation graphique (qui fascine de plus en plus de gens) et plein de petits trucs intéressants. Dans les choses à bannir, l’utilisation d’un outil pas adapté, car c’est la gamelle assurée (oui mais comment savoir ? On le sait avec l’expérience, au début on tâtonne forcément, c’est la glorieuse incertitude du sport !).
Je retiens aussi cet espèce de désir de brise-glace, qui me renvoie à ma perplexité à leur encontre. Celui (présenté ci-dessus) où on propose aux gens de poser leurs idées dès l’arrivée, et on commence la réunion en partant de cette base me plait pourtant beaucoup.

Des sujets propices a l’innovation publique

Pour préparer cette question, j’ai pu me référer au travail réalisé pour cet article : Quand utiliser l’innovation publique – mémo à l’usage des décideurs publics. J’ai donc repris les cas que j’avais imaginé à l’époque, pour leur en faire la proposition. J’obtiens beaucoup moins de oui dans les réponses que dans la première série de proposition, preuve que cela nécessitait ce débat.
Les réponses des participants sont encore très intéressantes. Notamment, ils mettent facilement en avant qu’un sujet dont on a déjà la réponse mais où on veut faire genre on a travaillé avec les citoyens est forcément un mauvais sujet !

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Des conditions à réunir

Quand IDEA, l’école de design thinking de Centrale et l’EM Lyon s’est lancée, ils avaient réalisé un Mooc que j’avais suivi. Un des grands apports pour moi avait été la théorie de l’effectuation que Philippe Silberzahn exposait sur 2 ou 3 vidéos, et sur laquelle il revient régulièrement sur son blog. Elle explique comment l’entrepreneur mène son projet, en prenant les vents porteurs, quitte à modifier son point de vue.
L’atelier sur les conditions à réunir se basait donc sur 4 des 5 composants de l’effectuation ( Démarrer avec ce que vous avez / Raisonner en perte acceptable / Obtenir des engagements / Tirer parti des surprises), le 5° étant difficile à formuler de façon interrogative. C’était donc pour moi l’occasion de les renvoyer sur les travaux de Silberzahn. Même si le contexte est quelque peu différent dans l’action publique, on a beaucoup à apprendre de cette théorie.

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C’est sans doute le sujet sur lequel le partage d’expérience s’est révélé le plus fécond. Forts de l’anonymat, les praticiens de l’action publique qui nous suivaient se sont lâchés et ont dit des choses très intéressantes. Chacun a quelque chose à piocher dans la liste des conditions favorables et celle des défavorables qui ont été constituées là (et que vous pouvez lire en cliquant sur l’image au dessus).

Le contenu de la note au supérieur évoquant l’innovation publique

A un moment ou un autre, dans la vie d’un fonctionnaire, vient le moment où il faut rédiger une note. Nous avons donc débattu de ce qu’il fallait mettre dans cette note. Mes propositions étant très basiques, c’est dans les réponses des participants qu’il faut aller chercher des bonnes idées

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Ce qui m’a marqué dans ces propositions, c’est les réponses autour de la question de la quête de sens et de l’envie des agents. Venant juste après le confinement, je ne sais pas s’il faut faire un lien ou si cet enjeu serait ressorti pareillement sans le Covid 19, mais il revient beaucoup. Une satisfaction par ailleurs : nous avons bien réussi à faire passer l’idée qu’il faut employer un vocabulaire simple et pas des « mots à la con » (c’est chez moi le reste d’un traumatisme à la suite de la lecture de l’article « Hey, co-concevons le reprototypage du fonctionnaire en bottom-up » que je vous recommande).

Et si… c’était pas une note ?

Évidemment, il existe plein d’autres formes possibles, j’en proposais quelques unes, les participants également. Je ne sais pas si c’est bien original, mais il fallait bien boucler cette séance.

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Sur ce slide, vous pouvez lire un mot de la fin que j’ai trouvé particulièrement pertinent. En résumé, il pose la question : quand est-ce qu’on arrête d’essayer de convaincre parce qu’on y arrivera pas ? J’essayerai de m’astreindre à répondre à cette question … une autre fois !

En plus de tout ça, j’avais réuni des documents de tout ordre pour les aider à bâtir leur argumentation (une brochure du Nesta, des articles de la Gazette, etc.) dont un document que j’ai dû réaliser en 2011 pour l’exécutif du Conseil régional des Pays de la Loire avant qu’on ne s’engage dans une « Transfo » avec la 27° Région. C’est un espèce d’abécédaire, qui, 10 ans après, a à peine vieilli, et qui montre au passage qu’on peut trouver des formes nouvelles en restant dans le domaine unique du verbe. Allez, c’est cadeau, c’est ici.

Si vous voulez suivre cette heure (en fait 1h23, on a débordé) de restitution/débat : c’est en dessous.

(*) dit celui qui a fait son métier d’en parler…

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