Le premier week-end de la convention citoyenne : où tout le monde apprend en marchant

J’ai donc participé (de l’intérieur) à la première session de la convention citoyenne régionale lancée par l’Occitanie et j’y ai appris (ou révisé en express) quelques éléments que je souhaite partager ici.

Le fait régional

Premier élément : c’est un enfer que d’expliquer le rôle d’une région en si peu de temps.

Une commune, on sait ce qu’elle fait : l’état-civil, les écoles, la culture, les ordures, la tranquillité publique, c’est le quotidien.
Un Département, même si tout le monde ne le sait pas, c’est finalement facile à raconter : c’est la collectivité de la solidarité, celle qui t’aide à faire face aux évènements de la vie heureux (naissance) comme difficiles (handicap, dépendance).
Une Région, c’est bien plus dur à caractériser. La Région intervient sur tout ce qui concoure à ce que la vie économique et sociale du territoire se déroule au mieux. C’est une collectivité d’abord pour les « acteurs », et en deuxième rideau, seulement, pour les gens.

Les citoyens à qui on a décrit ce qu’était la Région Occitanie ont donc découvert, pour la plupart, le financement de l’économie, de la formation, des transports, etc. Ils nous ont d’ailleurs renvoyé qu’il était anormal qu’il ne l’ait pas su jusqu’ici.
Et c’est là où on touche à la vraie particularité des Régions : malgré sa force de frappe budgétaire importante, l’impact d’une Région se fait uniquement à travers des partenariats et l’encouragement d’actions qu’elles jugent bénéfiques au territoire. Il faut donc fédérer les énergies et essayer de les canaliser sur des objectifs ambitieux, sans toutefois oublier les réalités locales si on ne veut pas que des territoires décrochent. Une fois qu’on a réussi ça, il reste peu d’énergie pour communiquer… Le fait régional est difficile à faire passer, dans les faits !

Il nous appartenait tout de même d’essayer. J’ai beaucoup travaillé sur un « carnet de voyage » remis aux membres de la convention qui tentait de rendre tangible cette réalité. La deuxième session nous dira si j’ai réussi ou non à créer cette appropriation, s’ils l’ont lu pendant ces 15 jours…

Le « carnet de voyage » en situation – photo piquée à Mathilde Imer de Démocratie Ouverte

En attendant, le fait régional, c’est aussi que, dès le vote de son budget 2021, la Région Occitanie pourra appliquer des idées de la convention citoyenne qui se sera réunie 2 mois avant. Là où les premières mesures de la convention citoyenne sur le climat ne sont pas prêtes de sortir à mon avis (non pas spécialement faute de bonne volonté, mais vu les circuits d’élaboration de l’action publique auxquelles elle seront soumises).

La légitimité citoyenne

Deuxième écueil à surmonter, le sentiment d’illégitimité. « En quoi notre avis est-il intéressant ? » nous ont renvoyé les membres de la convention.
C’est une bonne question, pas évidente non plus à appréhender.

Dans le design, on sait depuis l’an 2000 et l’article de Jakob Nielsen « Why You Only Need to Test with 5 Users » qu’un panel n’a pas besoin d’être très important pour apporter des visions utiles à la conduite d’un projet. Cet article démontre qu’à partir de 5 utilisateurs, 80% des problèmes d’usages sont connus. Alors effectivement ici, on ne parle pas d’usagers mais de citoyens et on ne cherche pas seulement des problèmes d’usages, mais le panel est 20 fois plus grand. Et il a été sélectionné pour ressembler à la population de la Région (département d’origine, genre, …). Il porte donc en lui une certaine représentativité…

La notion de représentativité a d’ailleurs été assez bien comprise par les participants de la convention. Mais leur légitimité vient d’ailleurs.
D’abord, du mandat qui leur est donné : on leur demande un avis de citoyens, pas de se transformer en mini-experts (c’est le risque des panels citoyens, mais les équipes d’animation de la convention sont rompues à l’exercice). C’est un écueil important, que j’ai pu vivre quand j’ai organisé dans la collectivité où je travaillais des panels où les citoyens se sont pour partie mués en experts. Mais c’était il y a 12 ans, on a progressé depuis.

Des templates, des post-it,du café : mais c’est que ça a bossé !

Leur légitimité vient ensuite, de leur travail. Au moment où ils rédigeront un avis, il aura tout pour être un avis éclairé : ils auront travaillé les sujets, rencontré des praticiens et des experts, eu l’opportunité de se forger une opinion et… d’en débattre.
C’est d’ailleurs ce débat la source principale de leur légitimité. Quand 100 personnes représentatives d’un territoire débattent d’un sujet, prennent le temps d’émettre des jugements, de les confronter aux autres et de trouver des terrains d’accord (fussent-ils pour acter des désaccords), il est permis de se dire que leur avis sera précieux. Il constituera une photographie la plus proche possible de ce que pense la population de l’Occitanie, ou plus exactement de ce qu’elle penserait si elle avait bossé les sujets. C’est inestimable.

La condition pour que le débat soit bon est donc qu’ils restent eux-mêmes, et se forgent une opinion en fonction de ce qu’ils sont, de leurs origines, de leurs convictions, puis de ce que la délibération avec les autres aura permis d’affiner dans leur jugement.

Une équipe au service du débat

Qu’il s’agisse des spécialistes recrutés pour organiser le débat, des agents de la Région qui ont animé eux-mêmes les tables, des garants et personnalités extérieures (indépendants de la collectivité) qui interagissent avec l’équipe d’animation et la Région, ou encore de l’équipe qui gère les conditions matérielles (en période Covid, un défi gigantesque !), tout le monde s’est mis pleinement au service de la réussite de cette première convention citoyenne régionale.

L’équipe d’animation en plein tri des propositions des membres de la convention

Comme je l’expliquais dans mon précédent papier, cette convention est la suite logique d’un engagement régional pour le développement de la citoyenneté au niveau de la Région, mais c’est aussi une expérience incroyablement riche pour tout le monde. Elle est utile au Conseil régional pour orienter son plan de transformation régional suite à la crise, mais elle l’est également pour tout ceux qui promeuvent l’idée qu’être citoyen, ce n’est pas seulement voter une fois tous les 5 ou 6 ans, ou militer sans relâche dans une association, un syndicat ou un parti politique. Il faut inventer de nombreuses autres formes, et celle-ci en est une.
L’équipe est consciente de ce fait, et pour avoir passé une partie de l’intersession à travailler sur la façon de retranscrire et d’approfondir le travail de la première session, je dois dire la force de travail mobilisée pour réussir quelque chose à Montpellier ces 24, 25 et 26 septembre, puis à Carcassonne le 3 octobre prochain.

Quelque chose de plus grand que nous

En tout cas, que les inquiets qui voyaient dans cette convention une tentative de manipulation (j’ai vu un ou deux tweets comme ça, si si…) se rassurent : c’est clairement impossible. 100 citoyens à qui on donne la parole, il n’est pas question de la museler ensuite. Les critiques sont allées bon train quand on a fait des points de situation, les compliments aussi d’ailleurs (notamment sur la disponibilité des agents régionaux qui se sont rendus disponibles pour répondre à leurs questions), mais personne ne se sent manipulé. En fait, on a tous l’impression de vivre quelque chose de plus grand que nous et nos intérêts du moment. Même dans les propositions des membres de la convention qui sont en l’état inexploitables (faute de compétence régionale, dans la grande majorité des cas), apparaissent une vision d’une volonté de faire société d’une très grande maturité qui nous ramène au sens premier de notre engagement pour le service public.

Et ça, ça le fait à chaque fois. Ici un peu plus fort, vu le nombre de protagonistes, mais comme d’habitude, on redécouvre que les citoyens ont énormément de choses à nous apprendre, dès lors qu’on se donne la peine de les écouter.

Une réflexion sur « Le premier week-end de la convention citoyenne : où tout le monde apprend en marchant »

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